Le nouveau calvaire de Mary Stuart

Dans une mise en scène baroque de Bob Wilson, Isabelle Huppert est Mary Stuart.

À l’espace Cardin-Théâtre de la Ville, Bob Wilson lisse, à grand renfort d’effets spéciaux, l’histoire tragico-romantique de la reine d’Écosse déchue pour ne s’attacher qu’à la folie qui ronge son cœur, gagne son âme après 18 ans d’enfermement. Malgré la performance délirante et jusque boutiste d’Isabelle Huppert, le show aveuglant, criard, itératif agace jusqu’à l’overdose. 

Une tenture rouge vif, rouge sang, rappelant la tenue de martyre portée par Mary Stuart le jour de son exécution au château de Fotheringhay, situé dans le Northamptonshire en Angleterre, masque la scène. Dessus, est accroché un tableau dynamique, où un chien tourne et retourne sans cesse. Cette image d’Epinal, représentant autant l’enfermement de la souveraine, que sa passion pour les chiens dont les noms seront égrenés, répétés à l’envi, une grande partie du spectacle, donne le ton. Le Bob Wilson show peut commencer.

Lever de rideau, lumière aveuglante, une silhouette hiératique se dessine au loin. Celle d’une reine déchue, d’une souveraine de théâtre. Au théâtre à Paris, une Isabelle en chasse une autre. Adjani, qui fut une bouleversante Mary Stuart au théâtre Marigny en 2006, fait ses adieux ce dimanche à la scène des Bouffes du Nord, alors qu’Huppert fait son entrée fracassante, tonitruante, dans le même rôle, mais pas le même texte, à l’espace Cardin. Deux divines comédiennes, deux actrices uniques, pour donner corps et chair à celle qui fut Reine de France, d’Écosse et des îles, la seule Mary. 

Alors que la mort approche, enfermée dans un château austère, la souveraine remonte le fil de ses souvenirs. Voix monocorde, récit débité à toute vitesse – enregistré pour un tiers du spectacle, couvert par la musique assourdissante créée spécialement pour l’occasion par Ludovico Einaudi, elle raconte son enfance, son arrivée en France. Difficilement audible, l’histoire de conte de fées de Mary se perd dans un tourbillon de son, de mots enivrants un temps, mais qui rapidement transforment le spectacle en épreuve, voire en souffrance.

Phrases répétées encore et encore, gestes saccadés, répétitifs, emmenant la comédienne à l’épuisement, à une étrange et folle transe, texte dit avec précipitation, mots mangés, bouffés, par le débit mitraillette, la mise en scène techno-rock de Bob Wilson opère un temps, intrigue. Malheureusement, l’outrance des procédés, la surabondance d’effets spéciaux, finit par lasser, irriter. 

De l’histoire de Mary Stuart, seules quelques bribes nous parviennent, des impressions fulgurantes, des ressentis à la limite de l’aliénation. Malgré de beaux tableaux à l’esthétisme pop, Ne reste de cette bien singulière et baroque soirée que la performance d’une comédienne hors pair, véritable pantin vivant, poupée de cire acceptant tout, laissant son corps malmené avec une classe incroyable. Chapeau l’artiste !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


AFF_MARY_SAID_WHAT_SHE_SAID_LOW DEFINITION_©LUCIE JANSCH_@loeildoliv

Mary Said What She Said de Darryl Pinckney
Espace Cardin – Théâtre de la Ville
Avenue Gabriel 
75008 Paris 
Jusqu’au 6 juillet 2019 
Durée 1h20 


mise en scène, décors, lumières de Robert Wilson
musique de Ludovico Einaudi 
avec Isabelle huppert
costumes de Jacques Reynaud 
metteur en scène associé Charles Chemin 
collaboration a la scenographie Annick Lavallée-Benny 
collaboration aux lumieres Xavier Baron 
collaboration a la creation des costumes Pascale Paume
collaboration au mouvement Fani Sarantari 
design sonore de Nick Sagar
maquillage de Sylvie Cailler
coiffure de Jocelyne Milazzo
traduction de Fabrice Scott

Crédit Photos © Lucie Jansch

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