Cuningham à cœur et à corps

Le documentaire Cunningham plonge dans ses pensées créatrices.

Pour célébrer le centenaire de naissance de Merce Cunningham, la réalisatrice d’origine russe Alla Kovgan signe un documentaire riche et passionnant qui retrace l’évolution créatrice du célèbre chorégraphe. Une plongée au cœur de son travail de ses débuts de danseur jusqu’à sa consécration en tant qu’artiste visionnaire. 

Le mouvement est au centre de toutes les créations de Merce Cunningham. Il le dissèque, l’étudie sous tous les angles. Il le sculpte, le retravaille à l’infini. De l’immobilité aux gestes tranchés, des arabesques à la multiplicité des poses, il cherche à en étendre les possibilités, comme il le répète à l’envi. Loin de l’artiste aux cheveux gris qui, a 80 ans passé, continue de se produire sur scène, c’est un autre homme que l’on découvre à travers les images d’archives compilées avec beaucoup de finesse et d’ingéniosité par Alla Kovgan. 

Cheveux bouclés, regard pensif, le chorégraphe débute sa carrière en tant que danseur. Il fait ses armes auprès de Martha Graham, répète dans un studio non chauffé dans le New York de l’après-guerre. Jeune, brillant, il se démène comme un beau diable, travaille chaque posture, chaque enchaînement, chaque arrêt. Au petit déj, il apprend le russe, dessine. Hyperactif, jamais il ne s’arrête. Toujours, il explore, cherche de nouvelles formes, d’autres façons de danser. 

Passant de la théorie à la pratique, de vidéos anciennes à de nouvelles captations 3D de 14 ballets emblématiques interprétés par les dernières recrues de la Merce Cunningham Trust, le documentaire convie les spectateurs dans les arcanes de la création d’un des grands génies de la danse. De sa rencontre avec John Cage, qui va partager sa vie et le pousser à écrire ses propres pièces chorégraphiques, de son amitié avec Robert Rauschenberg qui signe la scénographie magnifique de Summerspace (1958), c’est toute une histoire de la danse qui s’esquisse joliment, passionnément. 

Artiste du hasard qui pouvait écrire une succession de mouvements en se fiant uniquement aux dés qu’il avait toujours sur lui, Merce Cunningham se dévoile dans toute sa complexité, sa profondeur. Puisant dans ses correspondances, ses écrits, ceux de ses proches, Alla Kovgan s’échine à montrer une autre facette de l’artiste loin de l’image élitiste qui lui colle souvent à la peau. Son montage est intelligent, beau, fascinant. On plonge dans l’univers de Cunningham, on se laisse emporter dans sa fièvre créatrice. On peut regretter parfois la forme, l’abus d’effets graphiques, mais le récit permet à lui seul de mieux comprendre le mode narratif très singulier du chorégraphe, son apport unique à la danse contemporaine. 

Voyage 3D allant d’un tunnel de métro à un sommet de building, d’une clairière à un bord d’étang, documentaire décortiquant l’œuvre de Cunningham, sa pensée, le film d’Alla Kovgan est un très bon moyen d’entrer dans la tête de l’artiste. Un bel objet cinématographique autant fait pour les balletomanes que pour les néophytes. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Cunningham d’Alla Kovgan
Production Arsam international et Achting Panda ! Media
Distribution Sophie DulacDistribution
Sortie le 1er janvier 2020

Crédit photos © Sophie Dulac Distribution

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