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Conte(s) sans queue ni tête

A la Comédie de Caen, Lucie Berelowitsch réinvente le célèbre conte russe L'Oiseau de Feu.

Élevés au lait de la culture slave, Lucie Berelowitsch et Kevin Keiss, respectivement metteuse en scène et auteur, s’emparent très librement du plus célèbre des contes russes, l’oiseau de feu, qui a bercé leur enfance, pour mieux le réinventer, l’ancrer dans un monde à cheval entre le fantastique et le réel. Portée avec conviction par une troupe de comédiens habités, cette fable pas vraiment d’anticipation se perd dans les méandres d’un « Neverland » proche du no man’s land. 

Dans la pénombre, une silhouette de jeune fille apparaît. C’est celle de Macha (Jenna Thiam), la fille cadette de la famille. De sa voix ondulante, elle convie les spectateurs à venir découvrir ses frères, l’ainé Jonas (Niels Schneider), le benjamin Vladimir (Nino Rocher) et ses parents (Marina Keltchewsky et Jean Louis Coulloc’h). Elle ouvre les portes du foyer, là où le soir, tous écoutent avec dévotion, gourmandise, les contes d’enfance de la mère. Les poussant à développer leur imaginaire, elle les emmène sur les terres de jadis, une époque enchanteresse, depuis longtemps révolue où les arbres fleurissaient, les animaux gambadaient, virevoltaient. 

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Derrière les murs de papier d’une cuisine-chambre, on devine des terres dévastées par quelques apocalypses ayant entraîné l’asséchement du lac tout proche, qui fut longtemps une source de ravissement pour tous, l’extinction des oiseaux, la fin de l’opulence, le début d’une longue saison aride. Chantant, parlant russe, s’amusant comme des fous, la famille semble insouciante au drame extérieur. Seul le père, plus taciturne, s’en inquiète. Tout change quand un jour comme un autre, la mère vêtue d’une flamboyante robe rouge disparaît, emportée par sa douce et slave folie. Que faire grandir ou continuer à rêver à des contrées fantasmées ? Pour Jonas, le choix est fait, il part dans la forêt à la recherche de rêves chimériques. Sa rencontre avec l’esprit d’une vieille louve, réincarnée en jeune fille des bois (Camélia Jordana), l’aidera dans sa quête absolue à dépasser le réel pour mieux se fondre dans le fantastique. 

Pour sa première mise en scène en tant que directrice, nouvellement nommée au CDN de Normandie-Vire, Lucie Berelowitsch s’empare avec une très grande liberté du conte national russe L’oiseau de feu et de sa réinterprétation par Stravinsky. Allaitée toute jeune à la culture salve, la metteuse en scène, après sa rencontre avec Kevin Keiss, un auteur d’origine roumaine, lui aussi bercé par cette vieille fable, a eu l’envie de travailler différemment ce texte familier, de le nourrir de leur vécu, de leurs lectures, de travailler avec les comédiens. Ensemble, il la revisite pour l’emmener ailleurs, dans une dimension poétique, singulière.

Bien sûr, on reconnaît en filigrane l’histoire de ce précieux et magique volatile, qui rompt les vilains enchantements, mais bien au-delà de la morale rédemptrice, Lucie Berelowitsch signe un spectacle musical, une ode mélancolique au temps qui passe, qui tient autant du récit d’anticipation que d’un conte fantasmagorique ou d’une vision extatique, kaléidoscopique d’un monde perché, où Rien ne se passe jamais comme prévu

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Et c’est peut-être à cet endroit que le public finit par se perdre, dans les méandres d’une histoire aux multiples ressorts qui n’aboutissent jamais vraiment. Faute de savoir où veulent nous emmener le duo d’artistes, la mise en scène captivante propice aux mystères, au mystique de Lucie Berelowitsch, le jeu ciselé des comédiens, leur présence irradiante, ainsi que les très beaux chants qui ponctuent cet étrange récit, entonnés par les voix envoûtantes de Marina Keltchewsky et de Camélia Jordana – quelque peu effacée – sur des musiques jouées en live par Greg Leauté, suffisent à contenter un plaisir fugace, presque hypnotique. 

Toujours en évolution, en progression, ce Rien ne se passe jamais comme prévu ne demande qu’à être resserré, maturé pour donner le meilleur de lui-même et permettre à cet Ooiseau de feu, dont l’éphémère apparition enchante, de s’envoler vers des cieux plus aboutis. 

 Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


Rien-ne-se-passe-jamais-comme-prévu-25-02-19-©Simon-Gosselin-11_@loeidloliv

Rien ne se passe jamais comme prévu de Kevin Keiss, librement inspiré du conte russe l’oiseau de feu et de son adaptation par Stravinsky
Créée à la Comédie de Caen -CDN de Normandie le 26 février 2019
Durée 1h40 environ 

Tournée 
Le 02 mars 2019 Au Préau, CDN de Normandie Vire 
Le 5 mars 2019 à L’Éclat à Pont Audemer 
LE 08 mars 2019 à L’Arsenal à Val de Reuil 
LE 12 mars 2019 au Théâtre de Choisy le Roi 
Le 15 mars 2019 au Rayon Vert à Saint-Valéry en Caux 
du 19 mars  au 21 mars 2019 à la Scène Nationale de Martigues 
Le 26 mars 2019 à Dieppe, Scène Nationale 
Le 5 novembre 2019 au Théâtre du Préau CDN de Normandie-Vire
Du 4 au 7 décembre 2019 au Théâtre Olympia – CDN de Tours
Du 10 au 12 décembre 2019 à la Maison des Arts de Créteil
Les 19 et 20 décembre 2019 à la Scène Nationale – Saint-Quentin-en-Yvelines

Mise en scène Lucie Berelowitsch
Texte Kevin Keiss
Création sonore Sylvain Jacques
Lumière et régie générale FrançoisFauvel
Scénographie Hélène Jourdan
Conseil chorégraphique Marion Lévy
Avec Niels Schneider, Camélia Jordana, Marina Keltchewsky, Nino Rocher, Jenna Thiam, Jean Louis Coulloc’h et Greg Leauté

Crédit photos © Simon Gosselin

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