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Clôture de l’amour, l’inéluctable mort des passions ardentes

Au théâtre de Gennevilliers, Audrey Bonnet et Stanislas Nordey nous entraînent dans Clôture de l'amour de Pascal Rambert.

Tout est fini. La rupture se profile en point de mire. Le couple est exsangue, mais une ultime confrontation est nécessaire. Chacun dans un long monologue va livrer ses réflexions sur l’autre, sur leur amour moribond, sur leur histoire finissante. Porté par deux comédiens exceptionnels, le texte puissant, cru et incandescent de Pascal Rambert touche l’âme et incendie nos consciences. Fascinant !

Dans le décor de Répétition du même auteur qui sera donné dans le même lieu dans quelques jours, un homme et une femme vont se déchirer. Tous, deux comédiens, ils se préparent à travailler leur prochain spectacle quand Stan explose. En couple depuis plusieurs années, il ne supporte plus ce qu’ils sont devenus. Dans un long monologue fiévreux et cruel, il avoue son désamour naissant et sa décision d’en finir et de quitter sa compagne. De sa bouche fielleuse, vénéneuse, les mots coulent à flots, ils frappent et percutent le frêle corps d’Audrey. Sous la violence des impacts, ce dernier se tord, vacille, mais jamais ne flanche. Silencieuse, elle se tient face à lui, le visage brouillé, éreinté, fatigué. Les larmes coulent, son cœur est se déchiré par la férocité des paroles, plus blessantes les une que les autres ,de son conjoint, mais jamais elle ne faiblit. Indifférent à cette femme blessée qu’il a pourtant tant aimée, il continue à distiller son venin.

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La diatribe assassine ne cessera qu’avec l’intervention opportune d’une chorale d’enfants. Ce moment de légèreté étrange, de grâce surprenant, permet à tous de reprendre son souffle. Tels des fauves en cage, nos deux amants brisés tournent et retournent se dardant d’un regard noir, froid. Ils rechargent leur batterie, se préparent au deuxième round. On dit que la musique adoucit les mœurs, mais blessée dans sa féminité, dans son rôle de femme et de mère, Audrey se prépare à en découdre.

Les petits chanteurs partis, elle prend une grande respiration et répond à son amour perdu. Corps longiligne, mince, elle s’est relevée. Elle se tient droite. Vibrante, elle réplique. Le feu qui s’est allumé en elle sous les coups verbaux de son ancien compagnon, brûle et consume ses derniers sentiments. A la raison froide de Stan, elle oppose la chaleur de la passion, d’un cœur aimant. Dans un grand cri bouleversant, elle hurle cet amour disparu, anéanti. A la haine de l’autre, à son mépris, elle ne renie rien et garde au plus profond de son âme et de son corps tous les petits moments de bonheur qu’ils ont partagé. Quand enfin, elle se tait, l’autre reste au sol terrassé.

Scrutant l’humain, disséquant la rupture amoureuse, Pascal Rambert signe un texte d’une rare justesse, d’une cruauté froide, d’une violence bouleversante. De son écriture furieuse, féroce, il nous entraîne au plus près de ce déchirement passionnel de cette guerre des mots. Il ne nous épargne rien de cette bataille sanglante et cinglante. Bien au contraire, les mots qui claquent dans le silence nous mordent et nous bouleversent. Incandescents, ardents, ils nous brûlent l’âme et le cœur tant tout cela semble réel.

Si cette pièce de Pascal Rambert résonne aussi fort en nous, c’est aussi dû à l’interprétation de deux comédiens d’exception. Tout en fureur et rage, Stanislas Nordey est cet homme froid qui veut en finir avec une histoire qui ne lui convient plus, qui veut se séparer de cette femme qu’il n’aime plus. Il a à la fois la violence et le cynisme de ces romantiques qui ne ressentent plus rien et l’ironie mordante d’un homme d’aujourd’hui. Veule et peu courageux, il attaque le premier espérant mettre K.O. sa fragile adversaire. C’est raté. Flamboyante et lumineuse, Audrey Bonnet chancelle sur les coups mais très vite reprend le dessus. Blessée à mort, elle se relève forte, vibrante, terriblement humaine. Elle est bouleversante, impressionnante de force et de sincérité. Totalement conquis par ce couple moribond, ému aux larmes par ce dialogue mortifère, on est, tout comme eux , exsangue quand enfin les armes sont déposées, le silence se fait. Poignant !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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Clôture de l’amour de Pascal Rambert
Théâtre de Gennevilliers
41 avenue des Grésillons
92230 Gennevilliers
Jusqu’au 17 décembre 2016
Durée 2h00

Conception, réalisation de Pascal Rambert
Avec Audrey Bonnet et Stanislas Nordey
Scénographie de Daniel Jeanneteau
Parures de La Bourette
Musique arrangement dʼAlexandre Meyer de la chanson Happe (Alain Bashung – Jean Fauque), avec lʼaimable autorisation des éditions Barclay/Universal ©, interprétée par le chœur des élèves de 4ème CHAM du collège Pasteur de Gennevilliers, sous la direction de Guillaume Grammont
Lumières Yves Godin
Assistant à la mise en scène Thomas Bouvet

Crédit photos © Marc Domage

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