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Apocalypse bébé, Despentes manque de soufre à la Villette

Adapter un roman de Virginie Despentes, et tout particulière celui qui a obtenu le prix Renaudot en 2010, au théâtre est toujours un évènement. Sa plume provocatrice, haute en couleur, se prête aisément à la scène tant la force des images qui s’en dégagent offre une infinie possibilité de représentations. A trop respecter le texte, sans en extraire une vision plus personnelle de l’œuvre, Selma Aloui signe un spectacle qui, certes sympathique et rock, manque d’un élan punk, d’un souffle sulfureux, underground.  Dans un station de métro, Valentine (Eline Schumacher), quinze ans, fille rebelle de bonne famille disparaît, sous le regard hébété de la détective loupée (Mélanie Zucconi), payée pour la surveiller. Face

Adapter un roman de Virginie Despentes, et tout particulière celui qui a obtenu le prix Renaudot en 2010, au théâtre est toujours un évènement. Sa plume provocatrice, haute en couleur, se prête aisément à la scène tant la force des images qui s’en dégagent offre une infinie possibilité de représentations. A trop respecter le texte, sans en extraire une vision plus personnelle de l’œuvre, Selma Aloui signe un spectacle qui, certes sympathique et rock, manque d’un élan punk, d’un souffle sulfureux, underground. 

Dans un station de métro, Valentine (Eline Schumacher), quinze ans, fille rebelle de bonne famille disparaît, sous le regard hébété de la détective loupée (Mélanie Zucconi), payée pour la surveiller. Face au courroux de la grand-mère, qui promet à l’« incompétente connasse » les pires tourments de l’enfer si elle ne la retrouve pas, notre enquêtrice en goguette à l’ego « plus piétiné qu’un mégot sur un trottoir », s’associe avec une légende, La Hyéne (Ingrid Heiderscheidt), une lesbienne sans foi ni loi, une brute sans filtre qui cache derrière ses grands airs macho, une vraie générosité. Contre mauvaise fortune – 5 000 euros en cash – bon cœur, le duo mal accordé se lance dans une course poursuite de Paris à Barcelone à la recherche de l’adolescente. 

apocalypse bébé _Despentes_Villette_Visuel 1 © Lou Hérion_@loeildoliv

C’est parti pour Road trip fascinant, une plongée dans un monde parallèle « trashouille ». Des coulisses d’un concert de babies rappeurs, à la rencontre avec un gentil altermondialiste, en passant par une boite à partouzes lesbiennes et les couloirs glauques d’une cité, nos deux héroïnes font tomber rapidement le masque angélique de Valentine dévoilant une personnalité plus trouble, plus libre. Véritable « chaudasse », adepte des milieux underground, elle est en totale révolte avec son milieu, la petite bourgeoisie étriquée, vaniteuse et dépourvue de cœur, qui ne se soucie guère de sa vie, de ses émotions, de ses attentes. 

Clairement, l’œuvre de Virginie Despentes est respectée à la lettre. La transposition scénique de Selma Alaoui est fidèle à l’ambiance thriller, à l’écriture au vitriol de l’autrice, dont avait déjà pu constater le beau potentiel théâtral avec King Kong Théorie adapté en 2016 par Emmanuelle Jacquemard, et porte haut sa voix féministe, radicale et sans concession. Les mots fusent, égratignent la bien-pensance. L’hétérosexualité, le patriarcat, les clichés sexistes, en prennent pour leur grade avec humour grinçant et intelligence. Dépeignant avec une finesse acerbe, une galerie de personnages somme toute banaux, mais englués dans une misère sociale, morale et psychologique crasse, elle nous entraîne au galop vers une apocalypse salvatrice dont elle espère un renouveau de notre société à l’agonie, percluse dans ses règles rigides, étroites.

Pourtant, il manque à cette adaptation quelque chose, un condiment, une épice permettant d’embarquer totalement le spectateur dans cette descente trash. Loin de la version punk attendue, Selma Aloui signe une pièce rock, un peu trop paillette, pas suffisamment vicieuse. Si la mise en scène, la scénographie fourmillent de bonnes idées, l’ensemble manque quelque peu de fluidité et se perd dans une sorte de capharnaüm scénique un peu trop lisse. La distribution assez inégale y est certainement pour beaucoup. Toutefois, il faut saluer la présence décapante d’Ingrid Heiderscheidt, parfaite en Hyène. Elle donne à ce personnage de super lesbienne une densité héroïque. Un morceau de bravoure, qu’on aurait souhaité mieux ciselé, plus affirmé. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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Apocalypse Bébé de Virginie Despentes
Théâtre Paris-Villette
211, avenue Jean Jaurès
75019 Paris 
jusqu’au 28 mars 2019
les mardis, mercredis, jeudis et samedis, à 20h00, les vendredis à 19h00 et les dimanches à 15h30
durée 1h50

adaptation et mise en scène de Selma Alaoui (Collectif Mariedl) assistée d’Amel Benaïssa
avec Maude Fillon, Ingrid Heiderscheidt, Nathalie Mellinger, Achille Ridolfi, Eline Schumacher, Aymeric Trionfo, Mélanie Zucconi 
scénographie & costumes de Marie Szersnovicz 
création lumière de Simon Siegmann 
création sonore de Guillaume Istace & David Defour 
dramaturgie & vidéo de Bruno Tracq, Jeanne Dailler & Alexis Lameda 
direction technique de Rémy Brans 
conseil vidéo d’Arié Van Egmond 
conseil artistique d’Emilie Maquest & Coline Struyf

crédit photos © Lou Hérion

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