Frédéric Vossier. PARAGES. © Jean Louis Fernandez

Frédéric Vossier, l’homme derrière la revue PARAGES

Derrière PARAGES, revue du TNS voulue par Stanislas Nordey, dont le numéro 8 sort courant décembre, se cache le dramaturge Frédéric Vossier.

Voulu par Stanislas Nordey, directeur du TNS, PARAGES est un semestriel de réflexion et de création qui a pour principale mission de mettre à l’honneur des autrices et des auteurs de théâtre contemporain. Derrière cette revue de grande qualité, se cache le dramaturge Frédéric Vossier. Entretien avec ce passionné de mots et de scène. 

Comment est né PARAGES ? 
PARAGES 7. TNS. Frédéric Vossier. Pascal Rambert © Jean Louis Fernandez

Frédéric Vossier :  Stanislas Nordey a pris la direction du TNS en 2014. Son projet était très fort : se concentrer sur l’écriture contemporaine. En tant que metteur en scène, c’est un sujet qu’il connaît parfaitement bien. Il aime se frotter aux nouvelles langues, aux plumes d’aujourd’hui. En prenant la tête d’un théâtre national, il était essentiel pour lui, voire urgent, de créer une revue exclusivement dédiée aux auteurs contemporains. Il a fait en sorte que des moyens financiers soient dédiés à ce travail et qu’une équipe efficace, engagée et rigoureuse soit formée (Nathalie Trotta coordonne l’activité de la revue, Antoine van Waesberge est le graphiste). Tous les intervenants sont payés, c’était un prérequis dans sa réflexion. Après un numéro de juillet consacré à Pascal Rambert, auteur associé au TNS, nous sortons dans quelques jours le huitième numéro. C’est une belle aventure, qui perdure. Le lectorat est de plus en plus important. 

Qui fait les choix éditoriaux ? 
PARAGES 7. TNS. Frédéric Vossier. Marina Hands © Jean Louis Fernandez

Frédéric Vossier : Stanislas est le directeur de la publication. Il a donc toujours un œil sur le contenu de la revue, mais il m’en a confié la direction en me laissant carte blanche pour la concevoir. À la fin de sa mandature au TNS, nous aurons si tout va bien publiés 12 numéros, qui auront permis, c’est notre souhait, de photographier le paysage de l’écriture contemporaine. Pour arriver à cet objectif, il est important de connaître le milieu, d’aller à la rencontre des auteurs d’aujourd’hui, de les lire, de voir leurs textes créés. Et le TNS est un endroit où l’on peut voir beaucoup d’auteurs passés. Ensuite, il faut trouver le bon angle, les bonnes accroches et approches pour inviter les auteurs dans les numéros. PARAGES se veut être une revue de création et de réflexion et quand on dit « création », c’est bien sûr la création d’une fiction dramatique, mais cela vise aussi la créativité de la contribution en tant que telle, son degré d’inventivité. Chaque contribution doit être considérée comme un objet de création à part entière. 
Pour ce qui est de la ligne éditoriale pure et dure, avec Stanislas, nous avons été profondément marqués par le philosophe Jean-Luc Nancy, qui a interrogé et examiné la notion de singulier pluriel. Cette expression m’a philosophiquement inspiré et elle cadre l’enjeu éditorial pour faire de PARAGES un espace de liberté loin de tout corporatisme et de tout esprit communautaire. Il n’y a de singularité qu’au pluriel et nous composons la revue avec la logique du « un par un » pour parvenir au paysage d’une pluralité libre et ouverte. Ni rubrique, ni thématique : composer un paysage, telle serait la profession de foi. Un beau paysage qui expose la complexité d’un moment de l’histoire des formes dramatiques. 

Quelles sont les grandes lignes de la revue ? 
Martin Crimp. Parages 8. TNS © Jean Louis Fernandez

Frédéric Vossier : Nous avons fait le choix de placer le contributeur au centre de la revue. Afin de diversifier les plumes, d’avoir d’autres regards sur l’écriture contemporaine, d’éviter l’auto-promo, nous avons aussi décidé de donner la parole à des journalistes, des acteurs, des metteurs en scène, des chercheurs, des éditeurs. Le chemin de fer se décline autour de mode d’écriture tel que des inédits, échanges épistolaires, articles théoriques, des rencontres, des carnets de travail, des leçons pédagogiques, des lettres, des portraits et parfois des confessions intimes… C’est ce mélange des prises de positions propres au champ théâtral qui est le cœur de PARAGES, son essence. L’auteur reste au centre, quoi qu’il en soit. On ne parlera que de lui.  
Avec Stanislas, on voulait aussi que ce soit un objet esthétique. La question du graphisme, des visuels et des photos est donc primordiale. Par exemple, Jean-Louis Fernandez, le photographe associé au TNS, est présent et crée des portfolios. Ses photos en noir et blanc sont d’une très grande puissante évocatrice. Elles contribuent à donner à l’ouvrage son identité, sa singularité. 

Comment choisissez-vous les personnalités que vous mettez à l’honneur ? 

Frédéric Vossier : On cherche à composer un paysage avec les auteurs qui sont fondamentaux. Pour chaque auteur, on cherche la forme singulière de sa contribution. Cela peut être bien sûr une fiction, dans une forme brève et inédite. On essaie de trouver une unité dans l’ensemble, mais qui s’accomplit dans une variété, il faut trouver une diversité dans l’unité, une harmonie. Nous éditons des monographies comme nous l’avons fait avec Pascal Rambert, qui était à la une de notre dernier numéro, sorti en juillet dernier. Nous sommes en train de finaliser celle consacrée à Claudine Galea
Autre point important à nos yeux, la nécessité de donner aux lecteurs des rendez-vous réguliers. Au fil des numéros se sont profilés des « piliers » de la revue. C’est notamment le cas avec les présences, je dirai organiques, comme Claudine GaleaLancelot HamelinChristophe PelletPauline Peyrade – un noyau dur s’est constitué ; et il y a aussi les portraits dramaturgiques d’Olivier Neveux, les prises de positions féministes de Bérénice Hamidi-Kim, les entrevues de la journaliste Joëlle Gayot avec les artistes, ou le regard de comédiens sur les auteurs. Par ailleurs, PARAGES doit être à mon sens, un lieu de rencontres entre les artistes, qu’ils se connaissent ou non. « Les amants sont ensemble mais pas encore » a écrit Blanchot. Je fonctionne beaucoup à partir de cette phrase pour composer chaque numéro : travailler à l’émergence des rencontres et au dépassement du « pas encore ». Il faut du feeling et de l’exigence. La nécessité de Parages tient dans la volonté de dépasser ce « pas encore » dans lequel étaient enfermés les auteurs. Toute la force et la conviction d’un Nordey, c’est de donner les moyens de nous libérer de ce « pas encore ». 

Quel est la thématique du numéro à venir ? 
Entretien avec Martin Crimp. Parages 8. TNS © Jean Louis Fernandez

Frédéric Vossier : Il n’y pas de thématique. Le paysage est composé de trois parties : un focus sur Martin Crimp qui est un auteur majeur. Et ce focus est en soi un petit paysage dessiné par Alice ZeniterChristophe PelletPauline PeyradeRémy BarchéDominique Reymond qui nous a livré généreusement son carnet de travail écrit durant les répétitions de Le reste vous le connaissez par le cinéma créé par Jeanneteau au Festival d’Avignon 2019. Il est très important que les acteurs et actrices racontent leur traversée des textes contemporains. Crimp nous a donné en exclusivité l’incipit de la pièce qu’il est en train d’écrire. 
Un second focus porte sur les Solitaires IntempestifsJean-Pierre Thibaudat a tiré le portrait de BerreurMarie-José Sirach a fait celui d’Angélica Liddell et Bérénice Hamidi-Kim a exploré en détail le spectacle de ShahemanLiddell et Shaheman, deux paroles essentielles des Solitaires. Puis il paraissait important de revenir aux fondations de cette maison : Fabienne Arvers a mené un entretien croisé, aussi vif que débridé, avec Olivier Py et Elizabeth Mazev.
Enfin, la dernière partie du paysage est composée de fictions inédites (Fanny MentréJulien GaillardClaudine Galea), l’incontournable Neveux parle de l’autrice Laura Tirandaz, la dramaturge Sarah Cillaire expose sa traversée des textes contemporains qu’elle a créés avec le metteur en scène Tommy Milliot, et enfin un entretien singulier avec Hubert Colas mené par Hugues Le Tanneur
Voilà l’exemple d’une photographie qui capte le moment de notre paysage contemporain, avec la variété du singulier pluriel. 

Quel est l’audience de la revue ? 
Les Solitaires Intempestifs. Parages 8. TNS © Jean Louis Fernandez

 Frédéric Vossier : On a un nombre de lecteurs exponentiel, il est donc important de continuer. La revue est disponible à la vente dans des théâtres, dans les librairies. Pour la diffuser au-delà du TNS, nous passons par les éditions Les solitaires intempestifs. Elle est en vente en ligne sur le site du TNS. Par les temps qui courent, c’est le moment de la commander ! 

Entretien réalisé par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore et Marie Gicquel

PARAGES numéro 8 – TNS

Crédit photos © Jean-Louis Fernandez

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