Le Lac des Cygnes. Tchaïkovski. Angelin Preljocaj. Pavillon Noir. Grand théâtre de provence. Ballet Preljocaj. © Jean-Claude Carbonne

Angelin Preljocaj revisite joliment le Lac des cygnes

A deux pas de son fameux pavillon noir, Angelin Preljocaj donne sa vision post-apocalyptique du Lac des Cygnes.

A deux pas de son célèbre pavillon noir, au Grand théâtre de Provence, avant d’investir en décembre Chaillot, Angelin Preljocaj donne sa vision post-apocalyptique du Lac des Cygnes. Entre drame psychologique et écologique, le chorégraphe signe une œuvre à l’écriture ciselée que vient malencontreusement étouffer une enveloppe vidéo omniprésente.

Sortant de la pénombre, une ingénue et naïve jeune femme, une « oie blanche », explore son environnement, s’émerveille de tout, et notamment de la projection vidéo kaléidoscopique qui nimbe de lumière sa fine silhouette. Perdue dans ses pensées, elle ne voit pas le danger qui rode. Trois hommes en noir, des matadors, s’approchent. La mine patibulaire, ils foncent sur leur innocente victime, la maltraite, la viole. Ici pas de méchant sorcier pour transformer la belle princesse en cygne, la condamner à ne plus être humaine, mais un monde en proie à ses démons, où la différence est un crime, la violence est reine. 

Une revisite à l’aune d’aujourd’hui
Le Lac des Cygnes. Tchaïkovski. Angelin Preljocaj. Pavillon Noir. Grand théâtre de provence. Ballet Preljocaj.  © Jean-Claude Carbonne

Tout est sombre, tout est étouffant. Dans un décor ultra contemporain aux tons gris d’une aire post-industrielle fortement polluée, le prince Siegfried refuse qu’on lui impose le choix d’une épouse. Il s’oppose à sa mère, qu’il aime d’un amour quasi œdipien, à son père, une sorte de gourou adepte de potions magiques, de poisons. Il fuit les hautes tours des gratte-ciels pour un lac aux eaux noires polluées par des rejets d’usine. Parmi les cygnes, tristes survivants de l’air vicié qui s’échappe des cheminées alentours, il est attiré par la belle martyre, la femme blessée. 

Une relecture en forme d’hommage

S’appropriant le livret de Vladimir Begitchev inspiré d’une légende allemande du fameux ballet chorégraphié en 1895 par Marius Petipa et Lev Ivanov sur la musique de Piotr Illicth TchaïkovskiAngelin Preljocaj creuse la ligne du funeste conte, celle où l’amour n’est ni triomphant, ni vainqueur. Écriture foisonnante, débordante, puisant autant dans le registre néoclassique que pop électro – sur une, le chorégraphe choisit la voie de l’hommage appuyé et colle au plus près du ballet originel, mâtiné toutefois d’une belle touche de contemporanéité. Toutefois à trop vouloir ancrer sa pièce dans le monde d’aujourd’hui, en s’emparant notamment des questions brûlantes sur l’environnement, il brouille les pistes et perd quelque peu le spectateur avec des histoires annexes pas toujours très lisibles. 

Quelques clins d’œil et des interprètes talentueux 
Le Lac des Cygnes. Tchaïkovski. Angelin Preljocaj. Pavillon Noir. Grand théâtre de provence. Ballet Preljocaj.  © Jean-Claude Carbonne

Avec sa délicatesse habituelle, Angelin Preljocaj soigne les mouvements, les gestes pour faire de chaque scène de véritables tableaux vivants. Non sans humour, il revisite notamment le fameux quatuor des cygnes, qui remue joliment du popotin.  L’ensemble est plutôt réussi. En reine majestueuse, en mère aimante, jalouse, Clara Freschel vole la vedette à Odette. Elle est le joyau intense de cette revisite du Lac des Cygnes. Face à elle, Laurent Le Gall est un remarquable prince, Antoine Dubois, un ténébreux méchant et Théa Martin, une sage mais gracieuse victime. 

Une vidéo par trop superflue
Le Lac des Cygnes. Tchaïkovski. Angelin Preljocaj. Pavillon Noir. Grand théâtre de provence. Ballet Preljocaj.  © Jean-Claude Carbonne

A trop vouloir orcer l’imaginaire, le chorégraphe à la tête du Pavillon noir d’Aix-en-Provence surligne à gros traits son propos. En faisant appel au vidéaste Boris Labbée pour habiller son ballet, il use et surutilise la vidéo qui omniprésente empêche de se laisser emporter par les arabesques, les déliés, les petits pas, les gestes volubiles. C’est bien dommage, car les jeux de lumières d’Eric Soyer et quelques projections vidéos, comme celle du début ou celle de la fenêtre, donnent une belle poésie à cette fable à la triste fin. 

Ne boudons pas pour autant notre plaisir en ces jours sombres où le spectacle vivant est à nouveau mis à l’arrêt, fragilisant encore un peu plus un secteur déjà particulièrement touché. Angelin Preljocaj, comme toujours, tire le meilleur de ses interprètes, et signe un Lac des Cygnes, certes quelque peu imparfait mais joliment ciselé, parfaitement dansé. Un rêve mélancolique qui touche par son élégance et certains époustouflants  tableaux. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Aix-En-Provence

Le Lac des Cygnes d’Angelin Preljocaj<
Création le 7 octobre 2020 à la Comédie de Clermont
Grand théâtre de Provence
380 Avenue Max Juvénal
13100 Aix-en-Provence
Jusqu’au 31 octobre 2020
Durée 2h00

Tournée
Du 21 et 22 novembre 2020 au Festspielhaus St Pölten (Autriche)
Du 12 décembre 2020 au 21 janvier 2021, Chaillot – Théâtre national de la Danse, Paris
du 26 et 27 janvier 2021, La Faïencerie de Creil
Le 30 janvier 2021 au Palais des Festivals de Cannes

Les 02 et 03 février 2021 à L’Archipel, Perpignan
Les 06 et 07 février 2021 au Forum de Fréjus
Les 11 et 12 février 2021 à l’Opéra de Massy
Du 23 et 24 février 2021 au Théâtre Olympia, Arcachon
Du 27 mai au 03 juin 2021 à la Biennale de la danse de Lyon, Maison de la danse, Lyon

Chorégraphie d’Angelin Preljocaj
Musique de Piotr Illitch Tchaïkovski
Costumes d’Igor Chapurin
Vidéo de Boris Labbé
Lumières d’Eric Soyer

avec 26 danseurs du Ballet Preljocaj –  Lucile Boulay, Celian Bruni, Elliot Bussinet, Zoé Charpentier, Baptiste Coissieu, Leonardo Cremaschi, Mirea Delogu, Lucia Deville, Antoine Dubois, Clara Freschel, Isabel García López, Jack Gibbs, Mar Gómez Ballester, Naïse Hagneré, Verity Jacobsen, Jordan Kindell, Beatrice La Fata, Laurent Le Gall, Théa Martin, Florine Pegat-Toquet, Agathe Peluso, Mireia Reyes Valenciano, Simon Ripert, Manuela Spera, Micol Taiana, Khevyn Sigismondi

Crédit photos © Jean-Claude Carbonne

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