Les tordants fantômes de l’Opéra Comique

Prenant possession de la salle Favart, la détonante Valérie Lesort et ses drôles acolytes invitent à un pastiche lyrique, fantasmagorique savoureux.

En attendant la reprise des spectacles en septembre, l’Opéra Comique reprend vie, hanté par la présence de morts vivants musiciens particulièrement joueurs. Prenant possession de la salle Favart, la détonante Valérie Lesort et ses drôles acolytes invitent à un pastiche lyrique, fantasmagorique des plus savoureux. Frissons et hémoglobine garantis !

Le ciel est gris, les nuages s’amoncèlent sur la capitale. Juillet pointe timidement son nez. Partout en France, les théâtres, les salles de spectacles rouvrent timidement en proposant çà et là de petites formes en comité réduit. Respecter les règles de sécurité, les distanciations sociales est un vrai casse-tête pour la plupart des établissements. A l’Opéra ComiqueOlivier Mantei, tout nouvellement reconduit à la tête de cette institution parisienne, a décidé de conjurer les mauvais sorts et convie le Cabaret horrifique de Valérie Lesort à prendre possession des lieux pour la peur et le rire. 

bulles de champ et hémoglobines

Avant de pénétrer dans l’antre des morts vivants, il faut montrer patte propre. Le masque est de rigueur, bien sûr, le rite du gel hydro alcoolique aussi. Sur le sol, un chemin fait de têtes de mort nous entraîne dans les coulisses de la salle Favart. Après avoir être désinfecté par un étrange fumigène, on peut enfin récupérer une coupe de champagne, passer devant un cadavre suspendu dans une bâche de plastique telle une pièce de boucherie et s’installer dans un endroit bien singulier aux murs de briques et empli de cordes pendant des cintres. La pénombre et la fumée règnent en ce lieu bien mystérieux. 

De la pop au baroque

Des grincements inquiétants, des tissus qui se frôlent, des portes qui s’entrouvrent et claquent. Sans y prêter attention, nous avons été pris au piège de bien étranges spectres. Des notes aux consonances baroques résonnent. Le rideau se lève offrant une vue imprenable sur la salle Favart vidée de ses spectateurs. Au loin, une silhouette apparait, celle d’un homme blafard, avide de chair fraîche, de sang. C’est Belzébuth, le bouc toujours en rut. Il est rejoint par la sorcière, la moche, la mégère. Reprenant en version opératique la Salsa du démon, notre duo de chanteurs fait mouche. Le ton est donné. Humour noir et fantasmagorie sont au rendez-vous. 

Le bal des morts vivants

Un peu plus d’une heure durant, ces biens inquiétantes créatures entraînent à un train d’enfer un public hilare autant que fasciné dans une folle farandole où les arias s’entremêlent à de curieux bruitages, le tout fait à vue par Valérie Lesort. Au programme, sang, meurtres, gel hydo alcoolique, lingettes et romances amoureuses au pays des monstres, rien n’est épargné aux spectateurs dans ce bien foutraque cabaret. Choisis avec espièglerie et volonté affichée de se faire plaisir, les morceaux passent avec allégresse de Haendel à Marie-Paule Belle, de Saint-Saens à Lloyd Webber. Un Joyeux micmac musical orchestré au piano par l’épatante Marine Thoreau la Salle, victime sacrificielle d’un rituel macabre, qui veut qu’elle ne survive qu’à peu de chansons. 

humour noir et kitsch opératique

Tombant de chausse-trappes en rebondissements rocambolesques, l’auditoire est scotché à son siège, ému par la beauté des voix et subjugué par l’audace de ce spectacle délirant et hors norme. En maîtresse de cérémonie muette, Valérie Lesort est impayable. Sa présence chimérique, une main sanglante greffée sur sa tête, suffit à troubler la plénitude des lieux. Face à elle, l’éblouissante soprano Judith Fa et l’excellent baryton Lionel Peintre ne déméritent pas bien au contraire. Ils prennent plaisir à ce jeu de massacre absolument délectable. 

Tranches de rire, sketchs sanguinolents délirants et lyrisme gore font de ce Cabaret horrifique un bijou kitsh, une pépite à découvrir sans tarder.  

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

Cabaret horrifique de Valérie Lesort
Opéra-Comique 
1, Place Boieldieu
75002 Paris
Jusqu’au 4 juillet 2020

Mise en scène de Valérie Lesort
Soprano – Judith Fa
Baryton – Lionel Peintre
Piano – Marine Thoreau La Salle

Crédit photos © Stefan Brion et © Fabrice Robin

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