Les théâtres privés vent debout pour défendre leur taxe

Face à la suppression de la taxe qui aliment leur fond de soutien, l'ASTP montre les dents.

A la veille d’un vote à l’Assemblée nationale qui pourrait remettre en cause tout l’écosystème financier des scènes privées, l’Association de soutien au théâtre privé (ASTP) se mobilise. Soutien du sénat, lettre ouverte au ministre de la Culture, Franck Reister, pétition en ligne, les membre de l’association sont sur tous les fronts pour défendre le maintien de la taxe à faibles rendements, créée en 1964, et qui alimente le fond de soutien, poumon vital à la création.

L’annonce, en octobre dernier, a fait l’effet d’une bombe. Sans concertation, dans le cadre d’un nettoyage fiscal, le gouvernement a fait adopter en première lecture à l’Assemblée nationale, la suppression de plusieurs taxes « à faibles rendements », dont celle qui est au cœur du dispositif mutualiste des scènes privées. En vigueur depuis 1964, elle est perçue à hauteur de 3,5 % HT sur toute la billetterie du spectacle vivant non subventionné et est reversée en son intégralité, hors frais de fonctionnement, au fonds de soutien, une caisse destinée à aider la création d’œuvres de manière parfaitement encadrée.

Plafonnée en 2010 à 8 millions d’euros – le surplus de recette revenant dans les caisses de l’Etat – , cette taxe est la garantie pour les membres de l’ASTP, comme le rappelle le délégué général Antoine Masure, d’une certaine indépendance. Elle est aussi, comme le souligne Charlotte Rondelez, la secrétaire générale, la possibilité de pouvoir prendre des risques afin d’offrir au public des spectacles variés, innovants. Dans le but de calmer les esprits, Franck Riester, ministre de la Culture, propose de compenser le retrait de cet impôt indirect par une subvention publique de ce même montant plafond, rarement atteint depuis plus de 9 ans. 

L’offre paraît alléchante ! Pourtant, l’ASTP et ses 78 adhérents ne sont absolument pas intéressés, préférant garder le système actuellement en vigueur, qui du fait de son auto-régulation semble en tout point vertueux, et ainsi éviter le regard de l’État sur des activités culturelles qui relèvent du privé. « Nous ne voulons pas de cette subvention, explique Antoine Masure et Stéphane Hillel, président de l’Association, car nous ne l’avons tout simplement pas demandée. Une taxe est par définition pérenne, ce qui n’est pas le cas d’une subvention, soumise  au bon vouloir des politiques. » 

Gérée par l’ASTP, la taxe alimente à 50 % le fond de soutien du théâtre privé, le reste venant de la ville de Paris et de l’État. L’usage de cette caisse spéciale est surtout de garantir au théâtre, adhérent à l’association, la possibilité d’être remboursée à 30 ou 40 % de son déficit d’exploitation en cas de four. Cette assurance est assujettie à des règles très strictes. Le reste de la cagnotte est alloué à des aides telle que la production, la diffusion, ou l’emploi pérenne. Ainsi, ce système mutualiste, qui oblige les succès à restituer les aides perçues à la création, permet de protéger les entreprises fragiles, de soutenir la prise de risques, que ce soit en nombre de comédiens, ou en termes de nouveauté. 

Bien que la taxe ne devrait être supprimée qu’à l’horizon 2022, les théâtres privés, soutenus notamment par la CGT-Spectacles, de nombreuses personnalités de la profession, la SACD, l’Adami, continuent de se battre pour maintenir un système qui a fait ses preuves. La supprimer semble hasardeux voire une très mauvaise idée. Toutefois, quelques ajustements peuvent s’avérer nécessaires pour mieux répondre aux attentes de tous. Le suspense n’est que de courte durée, Le vote définitif à l’Assemblée devant intervenir d’ici le 11 décembre 2019.

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

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