Elle est un autre

Au 11. Gilgamesh Belleville, Guillaume Doucet aborde gentiment la transidentité adolescente.

A l’heure du lycée, les hormones s’emballent, la sexualité s’invite au cœur des préoccupations de chacun. Avec fougue et humour, Guillaume Doucet et sa compagnie Vertigo s’emparent de la pièce d’Evan Placey, Pronom, et abordent sans voyeurisme et respect de la question du genre. Du théâtre pétillant, engagé, un peu guimauve entre Grease et Boys don’t cry

La vie est belle dans ce lycée canadien. L’amour tire ses flèches sur tout ce qui bouge. Les couples se font et se défont. Seul Dean (époustouflante Morgane Vallée) semble un peu à part. Né dans un corps de fille, il se rêve garçon et décide d’entreprendre les démarches en vue de mettre en accord sa tête et son sexe. Si cette transition bouleverse la famille et les proches, c’est surtout son petit copain (épatant Guillaume Trotignon) qui ne sait plus sur quel pied danser. 

Heureusement, tout est fait pour aider le jeune homme en devenir. Ses meilleurs amis sur le point de se marier, le soutiennent. Sa sœur (excellente Jeanne Lazar), un peu chipie, en profite pour être la préférée de leurs parents. L’équipe éducative hyper ouverte fait tout pour que son choix soit accepté par tous. Et c’est d’ailleurs là que là que le Bât blesse. Le gentil Dean se révolte. Il veut plus. Il veut être aimé, être l’égal de tous, ne pas être distingué. Sa diatribe prônant le droit de vivre comme il l’entend sans jugement, sans préjugé, est bouleversante. Elle touche en plein cœur.

Évidemment, alors que la France est touchée par une recrudescence d’actes homophobes et transphobes, la pièce d’Evan Placey paraît bien gentillette. On est loin de Change me de Camille Bernon et Simon Bourgade qui retrace la vie tragique de Brandon Teena. Ici, c’est plutôt une jolie fable rose, pleine de bons sentiments qui nous est comptée. Malgré quelques accrocs, tout se passe pour le mieux. Les amours contrariées retrouvent le fil de la passion. Dean retombe dans les bras de son beau sigisbée. 

Mais après tout, c’est agréable une belle histoire, un beau roman. On a envie d’y croire, de se laisser porter et de se dire que finalement tout peut être si simple. Passons donc la traduction trop littérale qui inonde d’expressions canadiennes un peu indigestes, le côté paillette rose, la distribution par trop inégale, et laissons Pronom nous séduire par sa fraîcheur de ton, par le dynamisme de la mise en scène et l’énergie de la troupe. Le principal, c’est que le message passe. Qu’au-delà de la bêtise crasse, de la peur de l’autre, il n’y ait plus de différence entre gays, trans, lesbiennes et hétérosexuels. 

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon


Pronom d’Evan Placey
Festival d’Avignon le OFF
11. Gilgamesh Belleville 
11, bd Raspail
84000 Avignon
Jusqu’au 26 janvier 2019 à 18h30
Durée 1h15


Mise en scène de Guillaume Doucet
Avec Morgane Vallée, Guillaume Trotignon, Geraud Cayla, Jeanne Lazar, Marie Levy, Chloé Vivarès, Glenn Marausse
Traduction d’Adélaïde Pralon
Régie générale de Bérangère Notta
Création son de Maxime Poubanne
Lumière de Nolwen Delcamp-Risse
Régie lumière d’Adeline Mazaud
Costumes d’Anna Le Reun
Dramaturgie de Tom Boyaval

Crédit photos © Caroline Ablain

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