Outwitting the Devil sauve l’honneur de la cour

Le spectacle puissant et équilibré d'Akram Khan a conquis le public endormi d'Avignon

Le poumon d’Avignon accueillaitLe poumon d’Avignon accueillait la compagnie du chorégraphe anglo-pakistanais Akram Khan. Le spectacle a ravi les coeurs engourdis des spectateurs, comme un serpent rampant discrètement dans le In pour se dresser et mieux éblouir.

Les pierres déposées méthodiquement sur le sol du Palais des Papes font penser à un cimetière. Et le bruit sourd qui constitue la bande-son ne rassure pas d’avantage l’assemblée sage. Sur les vitres de l’édifice, le reflet de nuages qui filent nous rappellent que nous sommes plus bas que terre, dans ce milieu hostile. Les danseurs arrivent lentement : l’un joue le fatigué, le maudit, l’étranger. Les cinq autres constituent une meute ennemie, des bourreaux. La place du chef est disputée : c’est celle qui donne le droit de vie ou de mort.

Les corps, fidèles à l’inspiration d’Akram Khan, se déplacent comme des reptiles, prêts à défendre leur territoire, parfois la langue sort, parfois la bouche s’ouvre grande pour mimer le cri muet, paralysé. La chorégraphie animale aux accents hip-hop, s’engage sur les appuis des pieds aux chevilles souples. Les danseurs alternent entre les pauses très affirmées, calquée sur des rythmes techno, aux ondulations chamaniques. La musique électrisante, métallique, organique sert la représentation.

Il est difficile de parler d’une chorégraphie qui ravie autant. Bouleversé, on se retourne vers les autres convives pour s’assurer que nous ne sommes pas seul à être tétanisé mais comme nous, les autres spectateurs sont bouche bée, concentrés – les plus ennuyés avaient enfin décidés de ne plus tripoter leur bouteille d’eau. Soumis, ils assiste à ce moment de grâce puissant, craignant que les pierres tombales ne deviennent des armes blanches.

Le spectacle se poursuit dans un équilibre parfait, accordant des solos envoûtants, amenant des danses coordonnées de groupe, sans oublier en toile de fond la narration de cette confrontation manichéenne au décor chaotique.

Bref, il faut y courir et se lever à la fin pour saluer une performance, tant attendu dans cette cour d’honneur, décevante en début de festival.

Marie Gicquel – envoyée spéciale d’Avignon


Outwitting the devil d’Akram Khan jusqu’au dimanche 21 juillet à la cour d’honneur du Palais des Papes. Festival d’Avignon. Durée 1h20.
Avec Ching-Ying Chien, Andrew Pan, Dominique Petit, Mythili Prakash, Sam Pratt, James Vu Anh Pham
Direction artistique et chorégraphie Akram Khan
Dramaturgie Ruth Little
Musique et son Vincenzo Lamagna

Crédit photos © Christophe Raynaud de Lage

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