Folle soirée au Rond-Point

Folie et Juliette et les années 70 au programme du Théâtre du Rond-Point

En ce mois de mai très printanier, avec pas moins de cinq spectacles à l’affiche et ses trois salles ouvertes, le théâtre du Rond-Point est en pleine effervescence. L’occasion pour les plus passionnés d’enchaîner deux pièces, Folie à 18H30 et Juliette à 20H30. Divertissements garantis ! 

A deux pas de l’Elysée, non loin de la prestigieuse avenue Montaigne, des écritures singulières, très différentes se croisent et cohabitent. L’une revient sur une amitié et une connivence intellectuelle portant sur des dialogues absurdes et corrosifs. L’autre s’épanche sur l’énergie des années 1970 et invite à plonger dans le quotidien d’une famille catholique dans la France des trente glorieuses.

Clairement, le souffle et la force créatrice de Roland Topor, artiste pluriel à l’œuvre dense autant qu’originale et ami de longue date de Jean-Michel Ribes, mort en 1997, résonnent encore et toujours entre les murs du théâtre du Rond-Point. C’est d’ailleurs pour lui rendre hommage, que dans la salle Jean Tardieu, le directeur des lieux depuis 2002, signe Folie. Un cabaret déjanté, où s’entremêlent, textes fantaisiste du cher disparu, boutades de son cru, le tout orchestré par les compositions du troisième complice de ce trio infernal, Reinhardt Wagner. Présent sur scène avec le musicien François Verly, il accompagne les pantomimes, les facéties de sa fille Héloïse qui partage la distribution avec Alexie, elle-même fille de Ribes, et le comédien David Migeot, pièce rapportée au sein de ce spectacle très familial. 

L’esprit surréaliste vibre par intermittence dans une succession de références explicite. Ça parle de Picasso, de psychanalyse, de vampire végétarien, de mathématiques. Ça aborde la crise des migrants,  abandonnés à leur sort Porte de La Chapelle ou les prises de positions d’un pays qui ne craint plus de s’autoriser des points de vue extrême. Dans un décor quasi nu, cinq artistes jouent, chantent, dansent et font swinguer l’insolence, l’ironie dans des numéros colorés et calibrés. C’est pétillant et ça ensorcelle ! 

Après une pause d’une petite heure au restaurant ou au bar du théâtre, vous pouvez  poursuivre votre soirée en assistant au spectacleJuliette et les années 70. Cette dernière est incarnée par la comédienne Flore Lefebvre des Noëttes qui, après la mort de sa mère, a entrepris d’écrire une trilogie sur l’histoire de sa famille, issue de l’aristocratie mais déchue de sa fortune, d’obédience catholique et de tradition militaire. 

Le premier volet,  La Mate qu’elle a conçu et joué, retrace la figure maternelle, merveilleuse et autoritaire qui a élevé treize enfants sous le regard d’un père défaillant et bipolaire. Ce nouvel opus complète le précédent en se penchant, cette fois, sur son adolescence.  Un tapis blanc sur lequel des vinyles trainent, des robes suspendues à un porte-manteau, un tourne disque vintage, une chaise blanche, servent de décor. Déroulant le fil temporel de la narration, nous la suivons au lycée, dans des cours de travaux manuels, d’éducation sexuelle. Elle nous décrit son vieux professeur de lettres, passionné de théâtre, qui lui donne ses premières sensations de ce qui deviendra son métier.

Nous partageons ses vacances à Saint-Michel-Chef-chef, lieu balnéaire, sa première Boum, son engouement pour le rocks de Pink Floyd, Deep-purple, les voix rauques, singulières, de Janis Joplin, Nino Ferrer, Georges Moustakiet ses premiers émois sexuels. C’est aussi l’apprentissage de la comédie auprès de Daniel Mesguich et Pierre Debauche, qui marque le point de rupture libérateur avec frères, sœurs, père et mère. 

Bien que toujours présente dans ce récit autobiographique, particulièrement touchant et bouleversant, la famille n’est la qu’en filigrane. C’est son histoire qui prime, son émancipation hors de son milieu. Le troisième volet déjà en préparation, sera consacré à la figure du paternel. Au fil des époques qui défilent à toute allure, Flore Lefebvre des Noëttes change de costumes, plonge dans de bien émouvants souvenirs avant de terminer cette confession intime par la projection de diapositives sur un vieux tableau. Des images familiales d’un charme suranné viennent soulignés ses propos, les anecdotes d’une vie. Elle quitte le plateau comme elle est arrivée, habillée d’un imper sous un parapluie noir refermant un temps les portes de sa mémoire si singulièrement contée et interprétée.

Florence Pons


Folie, Ribes Topor Wagner 
Théâtre du Rond-Point
mise en scène de Jean-Michel Ribes 
Musique de Reinhardt Wagner

Avec David Migeot, Alexie Ribes, Héloïse Wagner
Musiciens : Reinhardt Wagner, François Verly
Costumes : Juliette Chanaud
Lumière : Hervé Coudert 
Jusqu’au 2 juin au Théâtre du Rond-Point et du 6 juin – 13 juillet Théâtre Hébertot

Juliette et les années 70
Théâtre du Rond-Point

Texte, conception et interprétation Flore Lefebvre des Noëttes 

La Mate uniquement les dimanches 19, 26, mai et 2 juin
Texte, conception et interprétation de Flore Lefebvre des Noëttes 
Collaboration Anne le Guernec

Crédit photos © Giovanni Cittadini Cesi, Laurent Schneegans, Thierry Saint-Marie / Crédit illustrations © Stéphane Trapier

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