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Au pays du Tjimur Dance Theatre

La compagnie aborigène Tjimur Dance Theatre investit la Condition des soies.

Après avoir fait sensation l’an passé avec son ballet Four Step, la compagnie aborigène, le Tjimur Dance Theatre revient au Festival d’Avignon Le OFF pour présenter sa dernière création, Varhung – Heart to heart, une danse transcendantale, bouleversante, où les corps des trois danseurs se remémorent des souvenirs douloureux enfouis, des rêves entre cauchemars et fantasmes noirs. Rencontre.

La route est longue depuis Taipei pour rejoindre Sandimen Township, village aborigène où vivent les membres de la famille païwanaise Madiljim, les fondateurs du Tjimur Dance Theatre. Après une heure et demi de TGV et une bonne heure de voiture sur une route légèrement tortueuse, on découvre un assemblage labyrinthique de maisons particulièrement fleuries. Chaque habitant a pris le soin de rendre attractives, colorées et chaleureuses les rues sinueuses et étroites de cette commune étendue à flan de colline. Les jardinières en matériaux de récup’, tels des pneus, donnent à l’ensemble un charme fou, qui fait presque oublier la touffeur ambiante. Malgré l’altitude, pas un souffle de vent ne vient rendre respirable l’atmosphère extérieure. Avec beaucoup d’ingéniosité et quelques ventilateurs, l’air circule dans les habitations. Il y fait bon vivre.

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Après s’être restaurés de mets locaux, particulièrement délicieux, nous nous rendons dans les locaux du Tjimur dance theatre. Murs peints en jaune et rouge, impossible de rater le lieu. Mélange des genres, structure familiale, ce sont tout d’abord les objets fantaisies, bijoux et autres porte-clé faits en pâtes de verre par les parents de Ljuzem et Baru Madiljim, dans l’arrière du bâtiment, qui sont présentés. L’on peut d’ailleurs en se baladant, après avoir découvert le studio de danse, les voir travailler. L’ambiance est détenue, zen. Le dialogue fluide. Ils sont autant curieux de nous que nous d’eux. Après les cordialités d’usage, quelques emplettes, place au spectacle. Au son des grincements de pales de ventilos utilisés pour éviter le coup de chaud, sous les yeux ébahis de quelques badauds curieux, trois danseurs de la compagnie, une femme et deux hommes, prennent possession de la scène. Ils entament quelques mouvements, quelques enchaînements. Psalmodiant des chants traditionnels, invoquant par les gestes quelques divinités, ils entrent lentement en transe. Déclinant les danses païwanaises, les rites, les coutumes, le jeune Baru Madiljim signe un ballet magnétique, puissant qui saisit et touche au cœur.

Comme tous les premiers-nés à Taïwan, Ljuzem Madiljim est revenue auprès de ses parents après ses études dedanse et chorégraphie dans une prestigieuse université de Taipei. La ville lui manque, mais la jeune femme a une idée derrière la tête, créer sa propre compagnie et permettre à tous les enfants des alentours, tous d’origine païwanaise d’apprendre les rites de leur peuple. C’est chose faite en 2006. Loin de vouloir une institution ancrée dans le passé, elle souhaite transformer tout en préservant les traditions. Parfois elle se heurte à l’incompréhension des autres membres de la tribu, notamment quand elle fait danser par des femmes, une danse guerrière réservée aux hommes. Avec douceur et persévérance, elle convint les siens en leur expliquant qu’une entorse aux traditions vaut mieux que perdre définitivement un rite ancestral. Forte de son projet, soutenue par sa famille, elle enrôle son jeune frère Baru dans l’aventure. Elle continue de danser, mais c’est lui qui a maintenant repris le flambeau et est devenu le chorégraphe de la compagnie. Leur notoriété, les aides financière de l’Etat, font du Tjimur Dance Theatre, l’une des rares troupes à avoir des danseurs permanents, un véritable luxe dans le Taïwan d’aujourd’hui.

Riche de leur culture alliant passé et présent, le frère et la sœur ont su par leur travail, leur virtuosité et leur ingéniosité faire de leur compagnie, un incontournable de l’île. Bousculant les us et coutumes, ils invitent par leur ballet que ce soit Four Step l’année dernière ou Vahrung – heart to heart, cette année, à un voyage immobile hors du temps, de l’espace, une balade au cœur de leur émotion, de leur tradition. Des spectacles à savourer, à vivre !

Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial Taiwan


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Varhung – Heart to heart du Tjimur Dance Theatre
Taiwan in Avignon 2018
Festival d’Avignon le OFF
Théâtre de la Condition des soies
Salle Molière – (Salle ronde)
13 Rue de la Croix
84000 Avignon
du 6 au 29 juillet 2018
tous les jours à 15H50, relâche les 11, 18 et 25 juillet 2018
durée 55 minutes

Chorégraphie dee Baru Madiljin
Avec Ching-Hao Yang, Ljaucu Dapurakac, Tzu-En Meng

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