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Paterson, une ode lente et onirique à la banalité du quotidien

Paterson, l'envoûtant et poétique nouvel long-métrage de Jim Jarmusch.

Les jours se suivent, se ressemblent routiniers, ritualisés. Pourtant, imperceptiblement, de fugaces détails donnent à chacun d’eux une teinte légèrement différente. De Ces ? petites variations, Jim Jamursch, magicien des mots et des images, dessine un quotidien mélancolique et poétique qui envoûte et bouleverse. Un rêve éveillé à la beauté rare, sans artifice… Captivant !

Dans un lit baigné de lumière matinale, deux corps dorment collés l’un à l’autre. D’un côté, il y Paterson (énigmatique Adam Driver), de l’autre sa compagne (lumineuse Golshifteh Farahani). Le réveil sonne, il est 6h15. L’homme se lève laissant sa douce alanguie dans un demi sommeil. Déjeunant frugalement, il se prépare et quitte le nid conjugal. Le pas décidé, sans rencontrer âmes qui vivent, il avance dans cette ville de province où les façades de briques rouges élimées rappellent la belle époque de l’industrialisation à tout crins.

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Chauffeur de bus au rituel bien ancré, il prend quelques minutes, avant d’entamer sa tournée, isolé dans la cabine de son outil de travail, pour écrire ses pensées sous forme de vers dans un carnet noir, qu’il garde précieusement à porter de mains. A ses heures perdues, le jeune trentenaire au regard légèrement mélancolique est poète à ses heures perdues. Fervent amoureux des mots, il connaît par cœur les œuvres de William Carlos Williams et Allan Ginsberg, natifs comme lui de cette bourgade du New Jersey, qui porte le même nom que lui, Paterson. Sans jamais dévier de la routine qu’il s’est imposé, les jours s’écoulent semblables. Les conversations et les situations se répètent inlassablement. Les mêmes lieux défilent, les mêmes gens, viennent peupler ce quotidien en apparence si fade. Toutefois, quelques variations, quelques nouveaux visages, en modifient le cours.

Les textes qui s’inscrivent en lettres blanches sur l’écran sont nourris de cette banalité coutumière, des conversations qu’il entend que ce soit dans son bus ou dans le bar où il a ses habitudes, de l’amour qu’il porte à sa douce et loufoque compagne. Il en esquisse la beauté, la singulière pureté. Les mots s’égrènent sans fioriture en une agréable et symphonique farandole. Ils croquent le quotidien, son amertume, sa beauté. Ils sont la vie sans artifice, ce cœur qui bat doucement, lentement.

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Maître d’un temps toujours ralenti, Jim Jarmusch nous immerge dans un monde qui n’a rien de particulier, mais qui a cette odeur si singulière, si suave de l’authenticité, de l’ordinaire. Il nous entraîne dans cette ronde languissante et itérative. Il nous cueille presque par inadvertance, et nous envoûte malgré nous. Il nous prend au piège de ces images anodines en apparence, mais si poétiques, si sensibles quand elles sont par lui mises bout à bout.  Il nous invite à partager le quotidien de ce couple aimant, touchant et si disparate. La réserve de l’homme, qui préfère se cacher derrière des mots qu’il garde secrets, contraste avec l’exubérante cocasserie de la femme, qui cuisine et qui peint ses vêtements et l’intérieur de sa maison en noir et blanc.

Jim Jarmusch ne s’y est pas trompé en offrant le rôle de Paterson au singulier Adam Driver. Visage étrange, silhouette dégingandée, il se glisse à merveille dans la peau de ce poète égaré, errant dans un quotidien routinier. Il incarne parfaitement la flamme de l’artiste et l’insipidité de ce monde banal sans ambition. Quant à Golshifteh Faharani, toujours aussi rayonnante, elle donne l’éclat nécessaire et suffisant pour donner poésie et lyrisme à la triste réalité d’un monde doux-amer.  Un bijou exaltant et mélancolique, fascinant !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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Paterson, l’envoûtant et poétique nouvel long-métrage de Jim Jarmusch

Paterson de et réalisé par Jim Jarmusch
Sortie en salle le 21 décembre 2016
Avec Adam Driver, Golshifteh Farahani, Trevor Parham, Kara Hayward, William Jackson Harper, Barry Shabaka Henley, etc.
Directeur de la photographie : Frederick Elmes
Monteur : Affonso Gonçalves
Chef décorateur : Mark Friedberg
Durée 115 minutes

Crédit photos © Mary Cybulski pour Window Frame Films

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