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Anquetil tout seul… un héros, entre ombre et lumière

La petite reine s'installe au Studio Hébertot avec la pièce biographique Anquetil tout seul

Dire que le cyclisme m’intéresse serait un aphorisme des plus inexacts et que la vie de Jacques Anquetil me passionne, un mensonge des plus éhontés. Et pourtant, bien malgré moi et pour mon plus grand plaisir, je me suis pris au jeu de cette quête humaine à la découverte de la personnalité plus que troublante de l’un des plus grands sportifs du siècle dernier. Homme-machine, mal aimé du public, athlète hors-système à la volonté de fer, à la morale douteuse, Anquetil reprend vie au studio Hébertot, sous les traits de l’incroyable Matila Malliarakis, grâce à une ingénieuse mise en scène. Pédalez-y c’est passionnant.

Alors que la salle est plongée dans l’obscurité et qu’un rideau noir cache la scène, des coulisses émerge un visage rond, masculin, qu’un projecteur éclaire. Souriant, joyeux, l’homme (Stéphane Olivié-Bisson) s’avance et commence son récit. Une passion l’anime depuis son plus jeune âge, elle a pour objet Jacques Anquetil, la star du cyclisme depuis longtemps disparue. Il avait une dizaine d’années quand il a croisé son idole. De ce jour particulier, il a gardé un souvenir intact qui l’a porté et encouragé tout le long de sa vie. A la mort de cette vedette de la petite reine, il s’est lancé dans l’écriture de sa bibliographie. Il nous en livre ici les meilleures pages.

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La silhouette s’efface, le rideau se lève. Anquetil (excellent Matila Malliarakis) apparaît. Il pédale à toute vitesse sur son fidèle destrier, un vélo de course affûté pour fendre l’air. Derrière lui, grâce à un système ingénieux de panneaux et de vidéos, la route défile. On est dans sa tête. De sa voix douce, hachée par l’effort, il livre ses plus profondes pensées, son combat acharné contre les douleurs qui l’envahissent. Avec sa volonté de fer, il les dompte, les maîtrise.

Puis l’homme-machine, le numéro Un des podiums, le sportif mal aimé d’un public qui ne le comprend pas, laisse tomber le masque. Il dévoile son enfance esseulée, son amour passionnel pour la scandaleuse blonde, Janine dite Nanou (Clémentine Lebocey), la femme de son médecin, son addiction aux dopants nécessaires à tout athlète de haut niveau. Il raconte ses fêlures, ses blessures, son désir d’exploit, d’être le meilleur, ses aspirations à fonder une famille coûte que coûte.

Par touches, son âme sombre, noire, tortueuse, apparaît, ainsi que celles de ses proches prêts à tout pour gagner plus d’argent, plus de gloire. Petit à petit, on se laisse happer par cette vie de légende, par ce destin entre zones d’ombres et feux de la gloire.

En adaptant le livre de Paul Fournel, Roland Guenoun met au jour avec intelligence et finesse, celui qui dans le coeur des Français est toujours passé deuxième après Raymond Poulidor. Jacques Anquetil, cette énigme du cyclisme, apparaît ici en pleine lumière. Ses défauts, ses combats, ses qualités, nous sont ainsi exposés. Loin de l’image d’homme froid, distant, presque inhumain, il laisse l’impression d’être un enfant meurtri, solitaire qui n’a jamais vraiment grandi, et qui s’est réfugié sa vie durant dans des chimères, des utopies. Seule sa volonté d’acier jamais entamée, lui a permis d’être Anquetil ce champion jamais véritable égalé dans sa folie impitoyable et victorieuse.

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Tout au long de cette course contre la montre, on croise sous les traits de l’épatant Stéphane Olivié-Bisson, tout ce que le cyclisme des années 1960 a connu de célébrités (Darridage, Antonin Magne, Raphaël Géminiani, le compagnon de maître Jacques, etc.), sous ceux de la blonde Clémentine Lebocey, les femmes qui ont rendu supportable la vie du grand homme et enfin sous ceux fins, émaciés de Matila Malliarakis, Jacques Anquetil. Vibrant, humain, le jeune homme est fascinant. Vissé sur son vélo, il semble être né pour devenir ce talentueux sportif. Il fait ainsi revivre Monsieur Chrono, dit aussi La Caravelle, avec une intensité qui émeut.

Loin du cyclisme, du Tour de France ou du Paris-Roubaix, Anquetil tout seul raconte l’histoire passionnante et débauchée d’un homme, d’une machine de guerre… A voir s’en attendre !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore


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La petite reine s’installe au Studio hébertot avec la pièce biographique Anquetil tout seul

Anquetil tout seul de Paul Fournel
Studio Hébertot
78 bis, boulevard des Batignolles
75017 Paris
Du mardi au samedi 19h et le dimanche 17h.
Durée 1h10

adaptation et mise en scène de Roland Guenoun
avec Matila Malliarakis, Clémentine Lebocey et Stéphane Olivié-Bisson
scénographie de Marc Thiebault
vidéo de Léonard
musique de Nicolas Jorelle
lumières de Laurent Béal
son de Yoann Perez
costumes de Lucie Gardie
Le livre Anquetil tout seul de Paul Fournel est publié aux Editions du seuil et aux Editions du points

Crédit photos © Léonard

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